La ville finira-t-elle par être construite par des robots ?
Vectrice d’efficience, l’IA est utilisée pour le suivi et la planification du chantier, notamment pour éviter les retards. Elle est capable d’analyser d’autres projets ayant eu lieu pour apprendre d’eux et proposer une planification adaptée et efficace. Le suivi permet une adaptation en fonction des éléments réussis ou non, et sa capacité de réflexion permet une adaptation en temps réel pour notamment prédire et anticiper les éventuels imprévus.
D’ailleurs, avant même le chantier, lors de la conception des bâtiments, l’intégration de nouvelles technologies est à l’œuvre avec le développement des maquettes numériques BIM 3D. L’intelligence artificielle pourrait être une des solutions pour automatiser cette conception qui facilite la visualisation du projet à venir et l’anticipation des contraintes grâce à des projets plus précis.
Sur le chantier, l’intelligence artificielle est omniprésente avec la reconnaissance faciale du personnel, le suivi en temps réel des entrées et sorties des outils, une démarche qui vise à sécuriser le chantier en identifiant les potentiels dangers liés aux comportements. Un élément qui peut être perçu comme une perte de liberté. Avec des ouvriers sous surveillance, c’est un avenir qui pose question puisqu’il risque de pousser à certaines dérives comme le productivisme à l’extrême, laissant de côté le caractère humain.
Le rapport d’orientation sur l’IA de Cédric Villani mentionne un autre enjeu qui concerne l’automatisation des tâches. Ce phénomène risque de s’accompagner d’une suppression d’emplois » d’ouvriers non qualifiés » qui concerne les métiers comme le gros œuvre et le second œuvre. Le BTP ayant du mal à attirer les jeunes vers des métiers jugés pénibles montre toutefois que ces technologies ont leur rôle à jouer dans la réduction de la pénibilité mais aussi dans la désautomatisation du travail humain, sans pour autant remplacer totalement l’homme.
Des innovations permettent ainsi d’utiliser des robots qui facilitent le quotidien de certains métiers sans en perdre le contrôle. C’est le cas de l’exosquelette et sa dernière version » ExoPush « conçu par le groupe Colas et la start-up RB3D, spécialiste de la robotique collaborative qui vient en aide au métier de tireur de râteau. Ainsi, cet exosquelette, plus petit de taille et mieux transportable, est passé de 42 kg pour sa première version à 8,4 kg. L’intérêt de cette innovation est de préserver la santé de ses utilisateurs grâce à une réduction des poids à soulever et un effet de traction qui sollicite les épaules et moins le dos.
Evolution de l’IA dans le bâtiment : quand la tech s’adapte à l’habitant
Une note « bâtiments responsables et intelligence artificielle » réalisée par le groupe » Réflexion bâtiment responsable 2020-2050 » qui a la particularité de mettre en avant le besoin de toujours partir des besoins de l’usager pour imaginer des services usant de l’IA, a été soumise au débat jusqu’au 20 avril prochain. Si le groupe insiste sur cette démarche, c’est parce que la technologie classique se réduit souvent à imposer strictement des règles pour des raisons purement techniques. Or, cette fois, il s’agit de prendre en compte le développement au sens large, soit la prise en compte du bien-être des usagers, les premiers concernés par l’insertion de l’IA dans les bâtiments qu’ils fréquentent au quotidien. Dans le bâtiment intelligent, le bâtiment serviciel veut ainsi faciliter la vie de l’occupant par le numérique, et deux domaines vont particulièrement être bousculés par l’IA : la santé et les seniors
L’intelligence artificielle innove aujourd’hui en s’inspirant des usages des habitants dans le bâtiment pour s’adapter et proposer des solutions plus adéquates et flexibles. Cette nouvelle prise en compte, permet grâce à la communication de données nécessaires au corps médical, de proposer des services bien être pour les habitants. Ainsi, il pourrait ainsi être possible de maintenir des personnes âgées à domicile par la communication de données, n’impliquant pas des méthodes intrusives comme la vidéo, mais plutôt des détecteurs de présence ou de mobilité par exemple.
A titre d’exemple, la technologie Vivoka, spécialisée dans la reconnaissance vocale et l’IA a développé Zac, un outil de domotique de reconnaissance vocale matérialisé par un raton laveur holographique. A destination des personnes fragilisées, cet outil propose deux types d’alerte qui contactent, en cas de danger, soit la famille ou les proches, soit un service à d’assistance à la personne ou un service d’urgence. Bien sûr, cette révolution devra se faire dans le respect de la liberté de chacun e»t devra laisser le choix à l’utilisateur de refuser un tel dispositif afin de préserver sa vie privée.
Par ailleurs, l’IA devient désormais l’objet de certifications. Ainsi, la Smart Building Alliance et Certivéa ont mis au point le label Ready2Servies (R2S). Cette certification, destinée aux bâtiments tertiaires couvre tous les usages possibles du numérique dans le bâtiment et garantit la qualité des services informatiques et l’interopérabilité, c’est à dire, la possibilité de communication entre deux ou plusieurs systèmes, appareils ou éléments informatiques. De même, le référentiel NF Construction Logement de Cerqual a introduit récemment dans son référentiel une rubrique « bâtiment connecté » permettant d’encadrer les nouveaux services aux usagers.
Donner un cerveau aux bâtiments et à la ville avec l’IA ?
Mais alors, la ville du futur aura-t-elle mille et un cerveaux ? Quand on parle d’Intelligence Artificielle, on s’imagine des machines dotées d’une certaine conscience, c’est d’une autre “ intelligence ” dont il s’agit. En effet, l’IA possède la faculté de comprendre les usages grâce aux données récoltées auprès des utilisateurs qu’elle analyse. Alors qu’habituellement, l’humain prend le relai pour appréhender ce traitement des données, l’IA anticipe et propose différentes actions en fonction des éléments identifiés, le bâtiment entre alors en interaction directement avec les habitants.
On parle alors de cerveau car l’IA propose différentes réactions suite à la détection d’anomalies ou une analyse prédictive qui anticipe l’avenir pour guider des choix. Cela pose différents défis pour le secteur du bâtiment.
D’abord, il s’agit de faire évoluer les équipements d’un point de vue technique afin qu’ils parlent le même langage pour leur permettre d’interagir entre eux. Ensuite, parce que la durée du bâtiment, pensé sur le long terme, questionne une temporalité de la technologie plus courte, où l’obsolescence peut pointer le bout de son nez rapidement.
De plus, les métiers liés à ces technologies évoluent plus lentement que les progrès technologiques eux-mêmes, et cela pose également une problématique de compétences quant à la gestion de ces machines. Les hautes technologies en générale ont ce souci car elles empêchent la facilité d’entretien en cas de panne, qui nécessite des équipes compétentes dans un domaine particulier.
Un tel cerveau se doit d’être donc accessible et maîtrisable, afin de garantir une sécurité pour les usagers, puisqu’il s’agit d’éviter qu’une panne de courant, d’internet ou informatique, ne vienne bloquer l’ensemble du système. Le défi est donc de permettre que ce “cerveau” soit autonome et imperméable à toute attaque qui pourrait mettre en péril les usagers du bâtiment.
Article publié sur : www.demainlaville.com
Source : www.lumieresdelaville.net
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°171 – Avril 2019