Sauver ou pas : une question de goût ?
Cette signature architecturale audacieuse est peut-être aussi la cause d’un tel refus. Erevan, capitale de l’Arménie, est très ambivalente dans son approche de l’architecture soviétique. Sa physionomie urbaine doit beaucoup à Alexandre Tamanian (1878-1936), qui a incorporé des éléments issus de l’architecture médiévale arménienne au style néoclassique, pour former l’omniprésent style néo-arménien. Un style qui plait beaucoup car en lien avec la culture arménienne ! Ils abritent les institutions et sont classés au patrimoine national. Les édifices futuristes plus audacieux, sont quant à eux, pas très appréciés.
Certains monuments font ainsi tâche et débat dans le paysage des villes. C’est le cas par exemple de la tour de la télévision de Prague qui dénote avec le patrimoine historique et le charme Bohème de la capitale tchèque encore bien préservée. Construite à partir de 1985, la tour Zizkov mesure 216 mètres de haut et elle se situe sur une colline : combo parfait pour qu’elle soit visible d’absolument tous les coins de Prague ! Une pollution visuelle très critiquée par les habitants !
En 2000, l’artiste David Černý installa une dizaine de sculptures de bébés de façon temporaire sur la tour, avec l’envie de redonner une nouvelle image à cet édifice peu apprécié. Face à l’engouement général, ils y furent scotchés définitivement en 2001. Aujourd’hui le tourisme permet aux habitants de Prague de s’apprivoiser et apprécier doucement sa présence.
Quel avenir alors pour le patrimoine architectural soviétique ?
Alors que l’architecture soviétique fascine et inspire encore les imaginaires, tout le monde n’est pas de cet avis, y compris la Russie, puisqu’à la demande de Vladimir Poutine, près de 8.000 khrouchtchevki seront démolis dans les années à venir à Moscou. Table rase sur un passé douloureux mais historique qui sera alors perdu à jamais.
La question de cet héritage encombrant reste épineuse, autant pour la Russie qui affiche et clame une modernité retrouvée avec sa Moskva City, que pour l’ensemble des pays de l’ex-URSS qui laissent totalement à l’abandon cette partie de leur histoire. Bien qu’on puisse le comprendre, quel avenir pour ce patrimoine du 20ème siècle en péril ?
Une revalorisation se profile dans certains pays, accompagnée d’une réappropriation des monuments et édifices. C’est le cas en Roumanie. Le dictateur Ceaucescu y avait entrepris la construction du plus grand bâtiment administratif à usage civil du monde : le palais du Parlement à Bucarest. Un chantier colossal inachevé lorsque le dictateur roumain a été évincé du pouvoir. Consultés, les visiteurs ont massivement soutenu la finalisation des travaux, à la surprise générale et au grand dam des intellectuels qui associent le palais à la mégalomanie et au despotisme. Comble, aujourd’hui le monument est devenu un symbole national. Il héberge le parlement et un musée d’art contemporain mais en raison de son manque d’ancienneté et du rejet des élites culturelles, il n’est pas encore classé comme monument historique. Une question de temps d’après les habitants.
Une patrimonialisation progressive qui voit aussi le jour depuis très récemment, en Estonie ou en Lituanie, où les nouvelles générations revendiquent la patrimonialisation de certains bâtiments. C’est ainsi que des groupes de la société civile se mobilisent pour préserver d’anciens cinémas et autres bâtisses. Encore contestée et peu défendue par les autorités, la patrimonialisation de cet héritage prendra du temps.
Source : lumieresdelaville.net








