La zone industrielle de Berrechid est aujourd’hui un des centres dédiés aux industries innovantes, malgré un patchwork de constructions disparates ou en ruines, sans intérêt architectural. L’unité reflète cette nouvelle émergence d’une identité marocaine innovante dans l’architecturale industrielle.
Réflexions sur les objectifs de l’architecture industrielle
Le Maroc assiste à l’émergence d’une identité propre à toute l’architecture industrielle. C’est évidement le cas de l’entreprise JEESR, qui grâce à une volonté indéfectible a conçu par la coexistence de deux attitudes, l’une moderniste, l’autre traditionnaliste, une architecture symbolique marquant la présence de l’édifice.
Cette contradiction est le pilier fondateur d’un rapport subtil entre modernité et tradition qui pour la première fois à Berrechid s’adresse à un bâtiment industriel. Cette modernité issue d’échanges fructueux ne doit plus s’exprimer autour de gesticulations décoratives véhiculées par un besoin mercantile lié à la marchandisation de l’architecture. Elle doit puiser ses racines profondes dans la tradition qui trouve son fertilisant sur toutes les couches des civilisations qui se sont succédées. Ces deux modes de pensés peuvent cohabiter mais, elles doivent créer les tensions nécessaires pour favoriser l’émergence d’une architecture contemporaine marocaine.
Cette architecture pourra se mesurer aux grands enjeux culturels de notre époque. Pour cela, il faut bousculer les habitudes et les archétypes stylistiques friands de décors islamisant caricaturaux qui font local.
Faire cohabiter l’image d’une entreprise moderne et l’expression d’une architecture traditionnelle
JEESR constitue la première unité industrielle marocaine implantée sur le continent africaine destiné à l’Afrique et au proche orient entièrement dédié à la fabrication du papier hygiénique sous toutes ses formes.
L’équipe constituée d’architectes marocains et français a déclenché une situation de rupture propice à l’émergence d’une nouvelle démarche. Chacun a travaillé avec sa vision son savoir faire local ou occidental digéré ou interprété.
A ce stade de la réflexion, il convient de réactualiser objectivement la définition de l’architecture de son rôle et des objectifs qu’elle assigne à une époque donnée dans une culture déterminée. La dimension planétaire de l’équipement lié à son usage, son rôle de mise en relation des êtres induit par l’utilisation d’un même produit autour d’une expression commune. Le bâtiment principal, circulaire, se prolonge tout au long de l’unité de fabrication prodigieuse de technologie par un vaste auvent ondulé diaphane presque fragile qui habille une façade, blanche, lisse, propre voir hygiénique L’ensemble figure la longue transformation qui s’opère depuis les imposants rouleaux de papier jusqu’à la feuille la plus fine. Nappé d’une voile légére faisant office de moucharabieh ajouré de losanges utilisés en temps que symbole dans l’artisanat berbère sert ici de point de départ. Ce symbole commun au pourtour de la méditerranée, à l’Europe, à l’Orient et à l’Afrique ceci d’une manière intemporelle constitue une expression commune. Peu importe la signification du symbole seul la forme en tant que langage universel revêt ici de l’importance.
Le losange devient ainsi une conséquence de la réflexion entre architectes orientaux et occidentaux : un pont entre les deux cultures. La répétition à l’infini du motif en losange marque l’intemporalité de l’espace et relie ainsi le bâtiment à son usage. Sur sa face nord le voile s’ouvre pour révéler le coeur de l’entreprise vaste tour transparente enracinée dans le sol qui émerge, se développe et palpite derrière le voile pour remplir l’espace en une représentation cosmique de l’univers. Dans son approche, le visiteur est peu à peu envouté par l’ambiance qui se dégage du lieu. Entourée des cubes végétaux chaotiques à la façon d’un décor de Tim Burton, pris peu à peu par la fluidité de l’espace plus tout à fait dehors pas encore dedans la magie du mélange s’opère. Le vide impressionnant du hall de verre contribue à prolonger la magie.
Le jeu d’ombre et de lumière diffractée à l’infini habille seul le volume. Aucun décor n’est nécessaire, car l’aura change tout au long du jour et de la nuit. Seul imperturbable, le sigle JEESR, marque l’édifice dans son identité intemporelle qui n’appartient qu’à elle seule.
Mettre en oeuvre une nouvelle modernité a travers l’utilisation de techniques et de matériaux d’hier et d’aujourd’hui
Le Maroc est un pays en plein développement où les besoins en équipements sont importants. Les délais de réalisation sont souvent courts et les moyens matériels et en personnel souvent limités. Réaliser un tel ouvrage nécessite plus qu’il n’est habituel d’exiger de tous les acteurs. C’est ainsi que la coopération entre entreprises marocaines et internationale est bénéfique pour le Maroc.
Notamment grâce à l’intervention d’Alluman qui par sa connaissance des matériaux et de leur mise en oeuvre a permis un apport technologique majeur.
Le mélange des cultures se concrétise à travers le mélange des techniques. Le choix des matériaux et leur mise en oeuvre accentue la confrontation des cultures.
L’aluminium massif et laqué découpé au laser face aux lignes harmonieuses d’un staff à l’ancienne, le verre cintré et le corian confronté aux dallages carrelés ou parqueté offrent toutes les possibilités. La modernité se concrétise par rapport à des mises en oeuvre différentes, grâce à cette synergie nouvelle développée par deux formes de pensée qui se veulent différentes mais qui traduisent une même volonté d’efficacité et projettent l’architecture industrielle du XXI siècle dans l’excellence.
Par Reda CHENNANE
© Cabinet ABDELLAH EL GHRARI
Paru dans A+E Architecture et environnement au Maroc #Juin 2014