Dans l’imaginaire de bon nombre de Marocains, la ville de Nador évoque souvent sa propre caricature : « trabando », narcotrafic, et MRE aux berlines rutilantes venus vendre du rêve à une jeunesse en manque de repères et de travail. Sa lagune, Mar Chica « petite mer », écosystème qui souffrait hier encore de pollution et d’érosion sévères, peut désormais rêver à des lendemains meilleurs.
Nador est aujourd’hui en pleine mutation, grâce notamment au Plan Azur et aux investissements colossaux prévus pour redynamiser la région. Deuxième place bancaire après Casablanca, cette ville très particulière embrasse la vaste lagune méditerranéenne, Mar Chica (de 115 km²), au sud-est du cap des Trois Fourches et de l’enclave espagnole de Melilla. En plein essor économique, le Plan Azur va lui permettre de développer ses infrastructures touristiques largement inadaptées à ses potentialités balnéaires, au cœur d’une superbe région agricole à l’environnement protégé.
Cette reconstruction de l’hôtel Rif, bâti à l’origine dans les années soixante et démoli en 2008, portée par la SHN (Société Hôtellerie Nador) et la CGI (Compagnie générale immobilière) – filiales de la CDG Développement -, en est la démonstration.
Ce programme de plus de 26.000 m² couverts s’insère sur une vaste parcelle carrée greffée au sud-est du damier que forme la ville historique, s’intégrant ainsi au parcellaire et à la morphologie hérités de la cité coloniale espagnole. Le site est longé au nord-ouest par l’avenue Youssef Ben Tachfine, et au nord-est par le boulevard de la corniche et sa promenade aménagée. Le plan général se développe sous forme de deux volumes longitudinaux bâtis aux extrémités nord-ouest (hôtel) et sud-est (appart ’hôtel) de la parcelle, reliés par une épaisse dalle de verre bleutée. Cette dernière accueille en terrasse un espace paysagé et une piscine, et offre une vue imprenable sur la lagune.
Le volume à l’extrémité nord-ouest de la parcelle, accueille l’hôtel 4 étoiles Mercure Rif, constitué de 123 chambres et 16 suites se déroulant sur 5 étages au-dessus du niveau de la dalle. Cette barre homogène voit se déployer sur sa façade principale, comme un épais labyrinthe vertical, un jeu de balcons et de loggias aux tons bleus et gris, encadrés par un liseré immaculé se terminant en écran sur la partie gauche. La surélévation de ce tableau géométrique dégage le rez-de-chaussée et crée une transparence, grâce à un vitrage continu qui ceinture l’hôtel. On retrouve le même principe ornemental et chromatique sur la façade arrière, côté piscine et jardin suspendu. Côté corniche, la salle de restauration principale s’étend sous la dalle paysagée, tout en transparence. Elle est bordée d’un long bassin qui se poursuit jusqu’à l’entrée principale, faisant écho au prolongement du vitrage bleuté du rez-de-chaussée.
Le volume de l’appart-hôtel au sud-est est, quant à lui, constitué côté jardin d’une addition, presqu’un amoncellement de blocs de différents volumes, dans un camaïeu de bleus, gris et blanc. Il accueille 84 studios et appartements, et des commerces en rez-de-chaussée. Côté rue, on observe toujours ce jeu de balcons et de loggias en volumes extrudés, dans les tons azurés. La façade côté corniche voit ses lignes travaillées tout en horizontalité. L’arrière du bâtiment abrite les annexes techniques de l’hôtel, la discothèque, et un « mini palais des congrès » au rez-de-chaussée.
Au sud-ouest de la dalle paysagée, spa et centre de fitness viennent presque fermer les vues sur la ville, et les rediriger vers la Mar Chica. Cette boîte, pixellisée de petites ouvertures, contient dans sa partie centrale vitrée, la piscine intérieure.
C’est une vision fraîche et formellement contemporaine qu’offre le nouvel hôtel Mercure Rif à un paysage hôtelier local sur le déclin. « Grâce à ses qualités architecturales et sa rationalité, le complexe hôtelier pourra représenter un modèle à suivre pour les futurs investissements touristiques dans la région. Pour atteindre la pérennité de son message, la construction évite de souscrire aux modes passagères, tout en étant ancrée dans la modernité de l’architecture hôtelière par son audace géométrique, la pureté de ses lignes et l’articulation fonctionnelle des espaces intérieurs ».
Demain, la petite baie de Mar Chica deviendra Marchica Med, la plus grande station balnéaire du pays. Espérons que cela se fasse au profit d’une dépollution – en cours – de la lagune, et d’une protection de sa flore, et de sa faune aquatique et terrestre. Ce bâtiment, porteur d’espoirs, se veut être la locomotive d’une série d’investissements programmés pour la région, pour que demain, la jeunesse de Nador se reconstruise avec elle, et trouve ici ce qu’elle allait chercher sur l’autre rive, souvent au détriment de sa vie.
Par Salwa BOUCHAREB
Paru dans A+E Collector des projets d’architectures #2015