Le 23 novembre dernier, Mohsine Lazrak, président de l’Association professionnelle des industries céramiques (APIC), a fortement plaidé pour l’adoption de mesures antidumping afin de protéger le produit local. Sera-t-il entendu ?
L’intervention de Mohsine Lazrak est intervenue lors d’un point de presse organisé sur le stand de l’APIC au Salon international du bâtiment, SIB 2016, le jour de son inauguration. Le président de l’APIC a mis l’accent sur le fait que les céramistes locaux espèrent que le ministère de tutelle prenne des mesures en vue de protéger le produit local, notamment à travers le contrôle systématique des produits importés et de leur appliquer la norme marocaine.
Enquête antidumping
Tout en rappelant que les céramistes nationaux ont déposé une requête pour une enquête antidumping contre les importations de céramique en provenance d’Espagne, Mohsine Lazrak a également encouragé la mise en œuvre de dispositions censées réduire l’impact du dumping opéré depuis plusieurs années déjà.
Le président de l’APIC justifie notamment sa position en mettant en exergue le fait que plusieurs unités industrielles sont obligées de fermer temporairement ou de façon définitive à cause du dumping. Sur ce registre, l’APIC a toujours exprimé son insatisfaction voire sa déception quant à la limite des droits de douanes additionnels adoptés par les autorités sur toutes les importations de céramique, et ce justement dans le cadre de la protection de la céramique locale contre les importations massives.
Un protectionnisme infondé ?
Dans ce contexte, il est utile de rappeler que l’APIC a toujours œuvré pour imposer un protectionnisme, et ce en s’appuyant notamment sur des chiffres et des arguments que certains estiment infondés comme Youssef Belkaid, président de l’Association nationale des professionnels de la céramique et du second œuvre (APISA). En effet, ce dernier estime que le protectionnisme accordé à l’APIC s’est opéré sur la base de chiffres volontairement erronés en ajoutant qu’un monopole s’est installé depuis plus de 20 ans par connivence ou par ignorance.
Une question de compétitivité
Toujours selon Youssef Belkaid, la problématique concernant l’APIC ainsi que ses prises de position réside dans le fait que ses membres ont fait le choix de ne pas se mettre à niveau pour être compétitifs à l’export. Le président de l’APISA explique qu’il s’agit d’une industrie qui se contente d’un marché local dont elle veut garder le monopole surtout qu’elle profite de certains avantages comme le subventionnement du fuel et du butane.
Ainsi pour Youssef Belkaid, l’usage exclusif des produits nationaux a pour conséquence l’impossibilité de répondre à la qualité et aux prescriptions exigées par les ouvrages et projets structurants (aéroports, usines, hôpitaux, projets résidentiels, …), ainsi qu’à l’esthétique et au design de l’architecture des services publics et semi publics et celle des habitations de standing.
La rédaction
Deux questions à M.Youssef BELKAID, Président APISA
Comment réagissez-vous aux dernières déclarations de Mohsine Lazrak relatives à l’adoption de mesures antidumping ?
Y.B : Tout d’abord je trouve que ces déclarations sont intervenues dans un lieu et un moment inopportuns. En effet, le nouveau ministre de tutelle n’a pas encore été désigné et le fait de faire de telles déclarations lors de l’ouverture du SIB est nuisible pour l’image du secteur s’agissant d’un événement international. Par ailleurs, je tiens à souligner que les revendications du président de l’APIC ont pour conséquence d’imposer sur le marché un produit soit disant national non compétitif, et ce en termes de qualité et de prix. En effet, le carrelage commercialisé par les industriels de l’APIC se caractérise par une très faible absorption d’eau, ce qui est très nuisible pour un bâtiment en termes de résistance notamment.
En somme, ce que je reproche à ces industriels est d’essayer d’imposer au consommateur marocain un produit dont le rapport qualité/prix est loin d’être raisonnable. En d’autres termes, le protectionnisme du produit local fera en sorte de priver les marocains d’avoir le choix entre plusieurs carrelages dont ceux importés et qui répondent à tous les critères de qualité et de design et plus abordables.
Selon vous quelle est la configuration actuelle du secteur de la céramique ?
Y.B : Le produit local représente 80% des parts de marché, quant à l’importation elle n’a que 20% seulement. L’importation est opérée surtout en provenance de l’Espagne en premier lieu dont les produits sont très compétitifs, ensuite d’Italie, des Emirats-Arabes-Unis, et de l’Egypte. Le secteur a connu tout récemment le lancement de la 1ére franchise marocaine spécialisée dans le carrelage et le sanitaire. Il s’agit notamment de la franchise Amabay lancée par le groupe Strapex Maroc membre de l’APISA.
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°146 – Janvier 2017
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