Imaginons ensemble les bâtiments de demain , est une démarche lancée par le CSTB et l’ADEME qui vise à donner des clés et ressources aux acteurs du secteur sur les évolutions possibles de la construction et de l’immobilier en France à 2050. Les scénarios qui sont ressortis de la démarche seront révélés dans un colloque le 25 janvier 2022. Rencontre avec les pilotes de la démarche : Jean-Christophe Visier et Jeremy El Beze du CSTB, ainsi qu’Albane Gaspard de l’ADEME.
Pourquoi avoir lancé cette démarche prospective ? Quelle est sa genèse ?
Jean-Christophe Visier : Nous sommes actuellement dans une période de changements importants, avec des enjeux environnementaux, démographiques, etc., particulièrement forts. Nous avons tout intérêt à nous projeter dans ce que pourraient être les avenirs possibles afin de s’y préparer au mieux.
Jeremy El Beze : En effet, il y a une vraie nécessité de faire appel à la prospective aujourd’hui pour le secteur du bâtiment. L’histoire de ce secteur est une adaptation réciproque entre le bâtiment et ses occupants. La question qui se pose est la suivante : est-ce que les bâtiments auront toujours la capacité de répondre aux besoins des occupants dans les années à venir ? Les acteurs du secteur ont besoin d’un socle commun, d’une boîte à outils commune, pour anticiper ces évolutions.
Jean-Christophe Visier : C’est pourquoi l’idée de lancer une démarche prospective a germé au sein du CSTB et de l’ADEME. Nous avons rapidement sollicité des acteurs avec des points de vue différents, afin d’avoir une réelle approche collective. 17 partenaires ont ainsi participé à la démarche « Imaginons ensemble les bâtiments de demain » qui a été élaborée au sein d’un comité de prospective réunissant des personnes d’horizons différents (géographes, sociologues, économistes, ingénieurs, etc.).
La démarche comporte 3 étapes. Pouvez-vous nous les détailler ?
Albane Gaspard : Bien sûr ! Voici les trois étapes :
1. Cartographier les facteurs qui vont avoir un impact sur le bâtiment et l’immobilier en France à horizon 2050
Le comité de prospective a effectué un grand travail de brainstorming pour arriver à 22 facteurs clefs, structurés en quatre « familles » : le contexte (dans quel contexte les bâtiments vont vivre ? Cela prend en compte la démographie, la répartition de la population, les risques systémiques, etc.), la demande de bâtiments (cela comprend la façon dont les bâtiments sont occupés, la qualité d’usage, les ressources économiques des ménages, etc.), l’offre (ce que les acteurs du bâtiment et de l’immobilier proposent comme biens, services, etc.) et enfin les politiques publiques (politique environnementale, de l’urbanisme, du logement, etc.)
2. Etudier et analyser les facteurs clefs pour réaliser des hypothèses prospectives constrastées
Le comité de prospective a effectué une analyse rétrospective afin de voir comment ces facteurs ont évolué dans le passé. Par exemple, l’évolution du numérique ces 30 dernières années est phénoménale tant dans son ampleur que dans sa vitesse. Puis, il a identifié les incertitudes clefs sur les facteurs. Cela nous a permis de réaliser un « radar prospectif », qui contient des hypothèses contrastées par facteur.
3. Composer des scénarios
Cette dernière étape consiste à mettre place des récits qui racontent une histoire à 2050. Le comité a ainsi réalisé 4 scénarios très contrastés, qui donnent à réfléchir, à partir d’un ensemble d’hypothèses cohérentes. Ces scénarios seront publiés en janvier 2022.
Jean-Christophe Visier : Les 4 scénarios correspondent à des imaginaires très différents. Dans deux d’entre eux, la filière du bâtiment arrive à tirer son épingle du jeu, à proposer des solutions et devient un acteur clef de la transition. Dans les 2 autres, c’est plus compliqué. Les scénarios permettent à chacun de se dire « si ça va dans ce sens-là, qu’est-ce que ça veut dire pour mon activité ? ».
Jeremy El Beze : Nous souhaitons que la filière puisse s’approprier ces outils. C’est pourquoi notre travail est mis à disposition des acteurs du bâtiment et de l’immobilier. Toutes les étapes du comité de prospective sont en ligne, accompagnées de nombreuses autres ressources. Ainsi, chacun peut repartir de nos facteurs et hypothèses pour forger ses propres scénarios.
Quels enseignements a fait émerger la démarche ?
Jean-Christophe Visier : L’enseignement principal est l’importance d’avoir une approche systémique. Bien souvent, les acteurs du secteur se concentrent sur quelques facteurs et les autres sont laissés de côté. Alors qu’il est indispensable de bien regarder tous les facteurs pour réfléchir au sujet du bâtiment et de l’immobilier.
Albane Gaspard : Un autre enseignement est de savoir remettre en cause ses connaissances. Les évolutions de certains facteurs sont prises pour acquises, alors même qu’il y a encore des choses à apprendre sur eux. Prenons par exemple la démographie. Nous avons tellement été habitués à être dans une situation de croissance démographique que nous partons du principe que cela sera toujours le cas dans le futur. Or, il pourrait bien y avoir des changements inattendus d’ici 2050 sur ce facteur central pour calibrer les besoins de bâtiment.
Jean-Christophe Visier : En effet, depuis la Seconde Guerre mondiale, la population croît. Nous savons que nous assistons à un vieillissement de la population : le nombre de personnes de plus de 75 ans va doubler d’ici 2050. En revanche, nous ne savons pas quelle va être la croissance globale de la population. Le comité de prospective a fait émerger trois hypothèses : la croissance va se réduire, la croissance va s’arrêter en France métropolitaine, la croissance va s’accélérer via un regain de la natalité combiné à une reprise forte de la migration. Ces 3 hypothèses peuvent mener à des avenirs complètement différents. Il est important de bien tous les avoir en tête.
Article publié sur Construction21 France
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