La FMCI s‘est associée à la FNBTP pour faire aboutir, après une longue période de gestation, un contrat programme qui devrait permettre à l’ingénierie marocaine de s’organiser et devenir plus performante. La cheville ouvrière de ce projet c’est Nabil Benazzouz, son président, qui tenait à le faire aboutir sous son mandat malgré les résistances d’une administration nonchalante. Voici son entretien exclusif.
Interview avec Nabil BENAZZOUZ
Président de la FMCI – Directeur Général d’IDAFA
Administrateur Certifié « IMA »
Expert assermenté près des tribunaux de Rabat
Que vous apporte ce contrat programme ?
Nabil Benazzouz : Le contrat programme comprend deux grands piliers englobant 11 axes stratégiques. Le premier pilier qui porte sur la mise à niveau du secteur ou encore le développement compétitif se décompose en 6 axes consistant à assurer une visibilité nécessaire à l’investissement et à la croissance, actualiser le cadre réglementaire d’accès à la commande et organisation de la profession et optimiser les processus de l’Administration. L’ambition des signataires est aussi de développer les compétences et d’améliorer l’attractivité des métiers, de renforcer la représentation professionnelle et encourager l’interprofession, d’améliorer la compétitivité de l’entreprise de conseil et d’ingénierie et de faire émerger une entreprise citoyenne.
Le second pilier porte quant à lui sur le développement d’une culture d’excellence et le rayonnement à l’international des bureaux de conseil et d’ingénierie. Il comprend 5 volets que sont la valorisation de l’excellence et de l’innovation, l’encouragement de l’émergence de vrais champions nationaux à même de constituer de réelles locomotives pour le tissu des bureaux de conseils et d’ingénierie, le développement des partenariats public-privé, la promotion du respect des règles d’anti dumping international de l’environnement et l’accompagnement de l’internationalisation des opérateurs nationaux.
Le contrat programme constitue en fait un cadre institutionnel de traitement de l’ensemble des aspects qui ponctuent le quotidien des opérateurs du conseil et de l’ingénierie : organisation, interfaces avec les autres professionnels, accès à la commande, valorisation des prestations, gestion des marchés et délais de paiement, renforcement des compétences.
Pour quelles raisons avez-vous signé plusieurs contrats d’application avec plusieurs départements Ministériels ?
N.B : Afin de tenir compte des spécificités des mesures à entreprendre et mettre en œuvre avec chaque département ministériel, le contrat programme est constitué d’un contrat cadre avec autant de déclinaisons de contrats d’applications que de ministères. Cette disposition prévue depuis l’avènement de l’étude stratégique a le mérite de disposer d’un socle et cadre de concertations et de négociations plus pertinent des aspects à traiter avec les différents organes des pouvoirs publics concernés par le secteur du conseil et l’ingénierie. Le tout dans une approche globale, cohérente avec l’ensemble des composantes du gouvernement loin de tout cloisonnement sectoriel. Cette démarche a nécessité un long processus, car autant les professionnels que l’Exécutif ont eu le souci d’aboutir à une feuille de route réaliste et engageant véritablement toutes les parties prenantes sur des actions claires en discutant autour d’une table les engagements et les moyens pouvant effectivement être mis en œuvre. Les contrats d’application devront aboutir ensuite à des plans d’action et des budgets tout à fait réalisables que devront déployer chaque ministère.
C’est le premier contrat programme entre la FMCI et l’Etat. Et vous avez décidé de vous associer à la FNBTP, pourquoi ?
N.B : Le 1er contrat-programme sectoriel avait été entrepris par la FNBTP en 2004. La FMCI, pour sa part, disposait d’un projet de contrat-programme spécifique depuis 2007-2008. A l’époque, on avait relancé le ministre de l’équipement, qu’on avait rencontré lors du BTP Expo en 2010, et il nous avait proposé de faire un contrat-programme commun et global pour le secteur avec des déclinaisons spécifiques pour chacune des deux fédérations, d’où la nécessité d’une étude stratégique sur le secteur du BTP, lancée en 2012. L’élaboration des moutures du contrat programme a donc été menée de manière concertée entre l’exécutif, les deux fédérations et l’ensemble des acteurs pertinents et ce sous diverses formes : séminaires, focus group, réunions de syndication, ….
Lors des premières discussions à l’échelle nationale et régionale, il s’est avéré que l’adoption d’un contrat programme commun permet de mieux anticiper sur la redéfinition et la clarification des interfaces entre les deux professions représentées par les deux fédérations et constituer ainsi une première base d’édification de symbiose au sein de tout l’éco système. Et au fur et à mesure du processus, les plus sceptiques parmi nos membres et ceux de la FNBTP ont commencé à voir leurs réserves vis-à-vis d’un contrat commun se dissiper.
Par ailleurs, cette synergie bâtie lors de l’élaboration du contrat programme continuera et sera à mon avis d’une grande utilité lors de la phase importante de mise en œuvre.
Les contrats programmes sont des accords synallagmatiques. Que donnez-vous en échange ?
N.B : Parmi nos engagements, je peux citer :
• Accompagner activement le développement économique du pays et assurer la durabilité des réalisations ;
A l’instar de la participation effective de notre fédération à la deuxième session du Conseil national de l’Habitat tenue à Rabat le 24 octobre 2018, à l’alliance pour le développement durable, aux chantiers institutionnels et opérationnels dans les régions, …
Mettre à niveau la structure organisationnelle des opérateurs et combattre la fausse ingénierie ;
• Contribuer dans le recrutement des jeunes et surtout s’inscrire dans une dynamique de formation, renforcement des compétences, d’encadrement et validation des acquis pour mieux réussir l’adéquation de la formation aux besoins du marché ;
• Renforcer la structure financière des entreprises dites « champions nationaux » pour être en mesure de participer dans des opérations de PPP aussi bien au Maroc qu’à l’export ; et aussi entrainer dans leur sillage le reste des opérateurs des secteurs de taille plus modeste et faire rayonner ainsi le savoir-faire Marocain dans la région et le continent.
Les BCI sont-ils prêts pour cela ?
N.B : S’agissant d’un contrat programme comportant des mesures et des engagements mutuels entre l’exécutif et les deux fédérations. L’aptitude des BCI à atteindre les objectifs attendus d’eux est tributaire bien entendu de l’accomplissement des mesures contenues dans le contrat programme dont notamment la valorisation des prestations à la hauteur de l’impact important qu’elles ont sur l’optimisation des investissements; La revue de l’accès à la commande, de l’organisation de la profession et ses interfaces avec les autres intervenants ; la revue du processus administratifs et des textes de référence : CCAG EMO, CPS, Règlement de consultation, …
Néanmoins, nous avons anticipé un certain nombre d’actions pour mieux se préparer à l’implémentation du contrat programme comme notamment :
Pour l’organisation, nous avons déjà entamé des réflexions sur les collèges de métiers qui sont en cours. Et afin de mieux cerner les intervenants et les pratiques dans le conseil et l’ingénierie, des enquêtes préliminaires ont été lancées en 2018 pour dresser le profil des bureaux en termes de ressources, compétences, références et méthodes de travail. Un nouveau règlement intérieure et un code déontologique ont été édités également.
Pour l’accès à la commande et agrément, nous avons proposé en attendant la refonte globale du système, un régime transitoire devant simplifier et homogénéiser le processus.
Pour le marché du conseil et de l’ingénierie nous nous sommes déjà attaquées aux problèmes des honoraires et des délais de paiement, au problème d’adéquation des ressources humaines (l’offre et la demande) et on a préparé les termes de référence d’une étude dédiée qui sera lancée incessamment.
Pour le processus administratif, des bases de données ont été initiées pour recueillir les doléances et réclamations des adhérents et des commanditaires de prestations du conseil et d’ingénierie.
Pour accompagner la responsabilité croissante des BCI, nous avons longuement insisté lors de l’examen de la loi 66/12 sur la définition des interfaces et la clarification des responsabilités. En même temps nous avons conclu une convention avec une compagnie d’assurance pour doter nos adhérents d’une assurance professionnelle dans des conditions très compétitives.
Par ailleurs nous nous sommes approchés de nos membres de référence (tels : Jesa, Novec,CID etc) pour voir comment nous pouvons œuvrer ensemble pour que ces grandes structures puissent arrimer et accompagner les moyennes et petites structures. Je sais que ce n’est pas une action aisée, en tout cas cela a été assez difficile par le passé, mais nous devons y passer car nous n’avons pas le choix.
Donc, la question qui se pose c’est : comment faire d’une entreprise d’une certaine taille une vraie championne nationale ? Comment promouvoir ces grandes structures ? Comment les aider et les développer ? Mais bien-sûr à condition qu’ils jouent pleinement leur rôle de locomotive et tirer les autres dans une dynamique globale d’entraînement dans une approche gagnante faisant rayonner le Maroc dans son voisinage régional et continental.
Comment votre fédération compte-t-elle mettre en œuvre le contrat programme ?
N.B : Maintenant que le contrat programme a été signé, le vrai grand défi que nous devons relever est bien celui de se préparer « pouvoirs publics et professionnels » à l’implémentation de cet ambitieux programme pour que notre pays et la profession puisse cueillir les premiers fruits de cet accord.
A cet effet, des mesures d’accompagnement qui conditionnent l’atteinte des objectifs ont été ainsi prises dès la première réunion élargie du bureau national tenue en octobre 2018 juste après la signature du contrat programme.
Ainsi cinq sous commissions traitant des familles de mesures prioritaires ont été créés au sein de la commission « contrat programme » déjà existante. Ces sous commissions travailleront dans la continuité de la feuille de route de la FMCI régulièrement actualisée.
Les animateurs de ces sous commissions sont issus des commissions existantes et en relation avec la famille de mesures. Ils examineront les familles de mesures des contrats d’application en les approchant des actions de la feuille de route FMCI et des matrices issues des programmes stratégiques de l’état pour mieux se préparer et constituer ainsi une force de propositions concrètes lors des rencontres avec les ministères. Chaque sous-commission CP proposera des actions concrètes avant la fin novembre 2018.
Ils coordonneront également avec la FNBTP cosignataire du contrat programme pour les actions communes. Les premières réunions des commissions mixtes avec l’exécutif seront programmées dès novembre 2018.
Paru dans CDM Chantiers du Maroc n°166 – Novembre 2018